Société pluri-professionnelle d'exercice (SPE) : intégrer l'interprofessionnalité dans le business model des cabinets d'avocats
L'interprofessionnalité est l'un des piliers de la transformation des cabinets d'avocats : focus sur la société pluri-professionnelle d'exercice (SPE) |
Intégrer l'interprofessionnalité dans le business model des cabinets d'avocats grâce à la SPE
Comme nous l'avons vu précédemment, il est possible de repositionner les cabinets d'avocats sur le marché du droit :
1) grâce à l'intégration des legaltech dans leur business model, ces nouvelles technologies permettant - entre autres - de doper leur rentabilité ;
2) mais aussi par la diversification de leurs activités, rendue possible par le décret n° 2016-882 du 29 juin 2016 dit "décret Macron".
Cet article a vocation à exposer le troisième et dernier axe sur la base duquel devrait - à notre avis - être menée la transformation des cabinets d'avocats. Cet axe, c'est celui de l'interprofessionnalité.
Commençons par le commencement : qu'est-ce que l'interprofessionnalité ?
L'interprofessionnalité est avant tout une forme d'exercice qui consiste, pour des praticiens relevant de professions réglementées différentes (avocats, experts-comptables, notaires etc) et donc d'instances ordinales différentes, à travailler ensemble. Dans sa forme la plus aboutie, l'interprofessionnalité se traduit par la création d'une structure d'exercice commune.
Les "non juristes" trouveront probablement cela surprenant, mais le fait est que les professions réglementées - et en particulier les professions du droit - n'ont (vraiment) pas pour habitude de collaborer avec d'autres professions que la leur... alors même que nombre de dossiers passant entre leurs mains appellent la mise en oeuvre de compétences multiples !
Si l'interprofessionnalité ne constitue pas en soi un phénomène nouveau, certains professionnels du droit et du chiffre ayant mis en place des partenariats de longue date, les récentes évolutions législatives permettent désormais aux professions réglementées de développer ce mode d'exercice par la création de structures communes : les sociétés pluri-professionnelles d'exercice ou "SPE".
Si l'interprofessionnalité ne constitue pas en soi un phénomène nouveau, certains professionnels du droit et du chiffre ayant mis en place des partenariats de longue date, les récentes évolutions législatives permettent désormais aux professions réglementées de développer ce mode d'exercice par la création de structures communes : les sociétés pluri-professionnelles d'exercice ou "SPE".
Le régime de la société pluri-professionnelle d'exercice (SPE)
La société pluri-professionnelle d'exercice ou SPE désigne une forme particulière de société créée par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 dite "loi Macron", dont les caractéristiques ont notamment été précisées par l'ordonnance n° 2016-394 du 31 mars 2016. Cependant à l'instar de la société coopérative et participative (SCOP) ou encore de la société d'intérêt collectif (SCIC), il ne s'agit pas d'une forme sociale à proprement parler dans la mesure où une SPE revêt nécessairement l'une des formes classiques prévues par le droit français (à l'exclusion des formes sociales conférant aux associés la qualité de commerçants, comme la SNC).
Avant la SPE, seules les sociétés de participations financières de professions libérales ou "SPFPL" - créées par la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 (dite "loi MURCEF") - matérialisaient un rapprochement des professions réglementées au sein d'une structure commune (à savoir, une holding). Néanmoins, cette première forme d'interprofessionnalité était exclusivement de nature capitalistique : contrairement aux SPE, les SPFPL ne permettent pas aux professions réglementées de collaborer sur le plan "opérationnel".
A cet égard, l'article 3 de l'ordonnance précitée dispose en effet que la société pluri-professionnelle d'exercice a pour objet "l'exercice en commun" de plusieurs professions réglementées du droit et du chiffre. Ces professions font d'ailleurs l'objet d'une liste limitative, sont ainsi concernées : les avocats, les avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, les administrateurs et mandataires judiciaires, les notaires, les huissiers, les commissaires-priseurs, les experts-comptables et les conseils en propriété intellectuelle.
Si le régime d'une société pluri-professionnelle d'exercice est soumis aux règles applicables à la forme sociale choisie (ex : SELARL, SELAS, SELAFA etc), celui-ci intègre également des règles qui lui sont propres et que nous avons synthétisées dans le tableau ci-dessous :
Il convient de remarquer que la société pluri-professionnelle d'exercice comporte un inconvénient majeur, susceptible de représenter un véritable point bloquant dans le cadre du développement de ses activités : celle-ci ne peut exercer une activité commerciale dès lors que cette activité se trouve être incompatible avec l'une au moins des professions représentées dans la société.
En outre, ce que ni la loi Macron, ni l'ordonnance du 31 mars 2016 ne précisent, c'est que même si l'exercice d'une activité commerciale n'est pas prohibée par la loi pour l'une ou l'autre des professions réglementées en présence, les différentes instances ordinales peuvent - en théorie au moins - ne pas agréer l'exercice de cette activité par la SPE ou prendre des sanctions disciplinaires a posteriori si aucune autorisation préalable n'est requise.
C'est pourquoi il est préférable, préalablement au développement d'une nouvelle activité, d'engager un dialogue en amont avec les instances ordinales afin d'éviter tout "feu rouge" ou "no go" de dernière minute. Pour autant, cette contrainte n'enlève rien aux avantages de la société pluri-professionnelle d'exercice !
A cet égard, l'article 3 de l'ordonnance précitée dispose en effet que la société pluri-professionnelle d'exercice a pour objet "l'exercice en commun" de plusieurs professions réglementées du droit et du chiffre. Ces professions font d'ailleurs l'objet d'une liste limitative, sont ainsi concernées : les avocats, les avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, les administrateurs et mandataires judiciaires, les notaires, les huissiers, les commissaires-priseurs, les experts-comptables et les conseils en propriété intellectuelle.
Si le régime d'une société pluri-professionnelle d'exercice est soumis aux règles applicables à la forme sociale choisie (ex : SELARL, SELAS, SELAFA etc), celui-ci intègre également des règles qui lui sont propres et que nous avons synthétisées dans le tableau ci-dessous :
Il convient de remarquer que la société pluri-professionnelle d'exercice comporte un inconvénient majeur, susceptible de représenter un véritable point bloquant dans le cadre du développement de ses activités : celle-ci ne peut exercer une activité commerciale dès lors que cette activité se trouve être incompatible avec l'une au moins des professions représentées dans la société.
En outre, ce que ni la loi Macron, ni l'ordonnance du 31 mars 2016 ne précisent, c'est que même si l'exercice d'une activité commerciale n'est pas prohibée par la loi pour l'une ou l'autre des professions réglementées en présence, les différentes instances ordinales peuvent - en théorie au moins - ne pas agréer l'exercice de cette activité par la SPE ou prendre des sanctions disciplinaires a posteriori si aucune autorisation préalable n'est requise.
C'est pourquoi il est préférable, préalablement au développement d'une nouvelle activité, d'engager un dialogue en amont avec les instances ordinales afin d'éviter tout "feu rouge" ou "no go" de dernière minute. Pour autant, cette contrainte n'enlève rien aux avantages de la société pluri-professionnelle d'exercice !
La société pluri-professionnelle d'exercice (SPE) : les avocats à l'heure des stratégies d'intégration
Dans notre dernier article, nous vous faisions part de la possibilité désormais offerte aux avocats de commercialiser - à titre accessoire - des biens ou des services en lien avec leur activité principale. Cette ouverture de la profession aux autres activités, plus que bienvenue, permet aux cabinets d'avocats d'adopter une véritable stratégie d'intégration horizontale et/ou verticale. En d'autres termes, ces derniers peuvent désormais étendre le champ de leurs activités à la commercialisation de biens ou de services similaires à ceux déjà proposés (intégration horizontale) ou situés en amont ou en aval dans le cadre de certaines opérations (intégration verticale).
La société pluri-professionnelle d'exercice constitue pour les avocats, au même titre que la possibilité qui leur est offerte de commercialiser des biens ou des services connexes à leur activité principale, une opportunité sans précédent s'inscrivant dans une logique d'intégration.
Parce qu'une image en dit souvent plus qu'un long texte, voici la forme que pourrait prendre l'intervention des différents acteurs d'une SPE dans le cadre d'un contentieux devant les juridictions civiles :
Dans une logique d'intégration verticale, l'intervention d'un expert-comptable et d'un notaire aux côtés de l'avocat dans le cadre d'une cession d'un fonds de commerce (avec les murs) permet à la SPE de diversifier son offre de conseil :
Quelle que soit la logique d'intégration choisie (verticale et/ou horizontale), la réunion des professions réglementées au sein d'une société pluri-professionnelle d'exercice présente - à notre avis - cinq avantages certains :
1) La diversification de l'offre de conseil du cabinet : les clients apprécieront de ne pas devoir faire appel à plusieurs cabinets pour réaliser une opération. En proposant une palette de services à 360°, la SPE est en mesure de déployer des solutions "clé en main" (en particulier pour sa clientèle d'entreprises) : de quoi développer un sérieux avantage concurrentiel ! Sur le plan purement financier, cette diversification permet également à la SPE de répartir son volume d'affaires sur un nombre plus important de prestations (stratégie de répartition des risques).
2) Une maîtrise totale de la chaîne de valeur : pratique favorite d'Apple, c'est probablement l'avantage le plus intéressant que la SPE peut offrir à ses membres. Habituellement pour une opération aussi complexe qu'une cession d'entreprise - que nous utilisons pour les besoins de notre second exemple - le client fait appel à plusieurs conseils : un cabinet d'expertise comptable pour la valorisation de la cible, et un cabinet d'avocats pour la réalisation de la cession. La cession peut aussi être réalisée de bout en bout par un expert-comptable, mais jamais par un avocat... lequel fait ainsi une croix sur une partie de la valeur ajoutée de l'opération. Or en réunissant l'ensemble des conseils - parties prenantes de la cession - la SPE permet précisément de capter l'intégralité de la valeur générée par l'opération.
3) Une expertise à tous les niveaux : oui les experts-comptables font aussi du juridique (grâce aux juristes qu'ils emploient), mais les clients sont toujours rassurés lorsque celui-ci est pris en charge par un(e) avocat(e). Nous ne portons aucun jugement à ce sujet, c'est un fait ! D'ailleurs petite parenthèse : dans le cadre d'une cession d'entreprise, il n'est pas rare qu'au cours de l'entrée en relation, le client ou même le conseil "adverse" vous demande - juste pour savoir - si vous êtes avocat(e). Fermons la parenthèse, tout cela pour dire que les professions réglementées ont toutes deux points en commun : elles sont reconnues pour leur expertise dans leur domaine, ce qui en fait des créatrices de confiance (et aussi, parfois, de valeur).
4) Une flexibilité des honoraires : avantage pour le client bien entendu, mais aussi pour la SPE selon les cas. Aujourd'hui le client recherche un conseil de confiance pratiquant des prix "justes" (fair-price), et cela d'autant plus que l'entrée des legaltech sur le marché contribue à une certaine ubérisation du droit. En maîtrisant la chaîne de valeur d'une opération, la SPE peut se montrer flexible sur le montant des honoraires proposés au client (ce qui n'est pas nécessairement le cas d'un cabinet d'avocats classique, sauf à sacrifier sa rentabilité).
5) Une maîtrise des délais : là encore, l'entrée sur le marché des legaltech contribue à la nécessité - pour les cabinets - d'optimiser les délais de réalisation des travaux. Or en réunissant les différents intervenants au sein d'une même structure, la SPE permet justement de raccourcir ces délais tout en garantissant la qualité des travaux. Ces délais peuvent encore être optimisés par l'intégration de legaltech dans les différents processus de la SPE.
Ainsi, la société pluri-professionnelle d'exercice présente des avantages multiples permettant véritablement à l'avocat de se repositionner sur le marché du droit. Reste que la mise en place d'une telle structure ne doit pas se traduire par la construction d'une organisation "silotée" : il est essentiel que les différentes professions en présence collaborent et communiquent au quotidien, si possible dans des locaux favorisant des relations de travail ouvertes. En effet, dans le cas contraire, la SPE risque de voir certains des avantages énumérés ci-dessus largement compensés par un manque de communication (ce qui explique pourquoi certaines grandes entreprises, très hiérarchisées, décident aujourd'hui d'opérer une transformation en profondeur de leur organisation).
Adrien VAGINAY | Droit et Stratégie des Entreprises
La société pluri-professionnelle d'exercice constitue pour les avocats, au même titre que la possibilité qui leur est offerte de commercialiser des biens ou des services connexes à leur activité principale, une opportunité sans précédent s'inscrivant dans une logique d'intégration.
Parce qu'une image en dit souvent plus qu'un long texte, voici la forme que pourrait prendre l'intervention des différents acteurs d'une SPE dans le cadre d'un contentieux devant les juridictions civiles :
Logique d'intégration horizontale |
Dans une logique d'intégration verticale, l'intervention d'un expert-comptable et d'un notaire aux côtés de l'avocat dans le cadre d'une cession d'un fonds de commerce (avec les murs) permet à la SPE de diversifier son offre de conseil :
Logique d'intégration verticale |
Quelle que soit la logique d'intégration choisie (verticale et/ou horizontale), la réunion des professions réglementées au sein d'une société pluri-professionnelle d'exercice présente - à notre avis - cinq avantages certains :
1) La diversification de l'offre de conseil du cabinet : les clients apprécieront de ne pas devoir faire appel à plusieurs cabinets pour réaliser une opération. En proposant une palette de services à 360°, la SPE est en mesure de déployer des solutions "clé en main" (en particulier pour sa clientèle d'entreprises) : de quoi développer un sérieux avantage concurrentiel ! Sur le plan purement financier, cette diversification permet également à la SPE de répartir son volume d'affaires sur un nombre plus important de prestations (stratégie de répartition des risques).
2) Une maîtrise totale de la chaîne de valeur : pratique favorite d'Apple, c'est probablement l'avantage le plus intéressant que la SPE peut offrir à ses membres. Habituellement pour une opération aussi complexe qu'une cession d'entreprise - que nous utilisons pour les besoins de notre second exemple - le client fait appel à plusieurs conseils : un cabinet d'expertise comptable pour la valorisation de la cible, et un cabinet d'avocats pour la réalisation de la cession. La cession peut aussi être réalisée de bout en bout par un expert-comptable, mais jamais par un avocat... lequel fait ainsi une croix sur une partie de la valeur ajoutée de l'opération. Or en réunissant l'ensemble des conseils - parties prenantes de la cession - la SPE permet précisément de capter l'intégralité de la valeur générée par l'opération.
3) Une expertise à tous les niveaux : oui les experts-comptables font aussi du juridique (grâce aux juristes qu'ils emploient), mais les clients sont toujours rassurés lorsque celui-ci est pris en charge par un(e) avocat(e). Nous ne portons aucun jugement à ce sujet, c'est un fait ! D'ailleurs petite parenthèse : dans le cadre d'une cession d'entreprise, il n'est pas rare qu'au cours de l'entrée en relation, le client ou même le conseil "adverse" vous demande - juste pour savoir - si vous êtes avocat(e). Fermons la parenthèse, tout cela pour dire que les professions réglementées ont toutes deux points en commun : elles sont reconnues pour leur expertise dans leur domaine, ce qui en fait des créatrices de confiance (et aussi, parfois, de valeur).
4) Une flexibilité des honoraires : avantage pour le client bien entendu, mais aussi pour la SPE selon les cas. Aujourd'hui le client recherche un conseil de confiance pratiquant des prix "justes" (fair-price), et cela d'autant plus que l'entrée des legaltech sur le marché contribue à une certaine ubérisation du droit. En maîtrisant la chaîne de valeur d'une opération, la SPE peut se montrer flexible sur le montant des honoraires proposés au client (ce qui n'est pas nécessairement le cas d'un cabinet d'avocats classique, sauf à sacrifier sa rentabilité).
5) Une maîtrise des délais : là encore, l'entrée sur le marché des legaltech contribue à la nécessité - pour les cabinets - d'optimiser les délais de réalisation des travaux. Or en réunissant les différents intervenants au sein d'une même structure, la SPE permet justement de raccourcir ces délais tout en garantissant la qualité des travaux. Ces délais peuvent encore être optimisés par l'intégration de legaltech dans les différents processus de la SPE.
Ainsi, la société pluri-professionnelle d'exercice présente des avantages multiples permettant véritablement à l'avocat de se repositionner sur le marché du droit. Reste que la mise en place d'une telle structure ne doit pas se traduire par la construction d'une organisation "silotée" : il est essentiel que les différentes professions en présence collaborent et communiquent au quotidien, si possible dans des locaux favorisant des relations de travail ouvertes. En effet, dans le cas contraire, la SPE risque de voir certains des avantages énumérés ci-dessus largement compensés par un manque de communication (ce qui explique pourquoi certaines grandes entreprises, très hiérarchisées, décident aujourd'hui d'opérer une transformation en profondeur de leur organisation).
Adrien VAGINAY | Droit et Stratégie des Entreprises
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