La transformation des organisations est un phénomène global |
La transformation digitale et organisationnelle des cabinets d'avocats : une opportunité devenue nécessité
La transformation des cabinets d'avocats est un sujet qui tend à émerger dans l'actualité juridique, mais de quoi parle-t-on exactement et pourquoi ces derniers devraient-ils se transformer ? Nous vous proposons de le découvrir dans cet article.
D'une manière générale, quand on parle de "transformation" d'un cabinet d'avocats, c'est de transformation digitale dont il est question. Celle-ci consiste, pour une entreprise, à intégrer les outils et méthodes du digital ou numérique au cœur même de son business model (= modèle économique).
Ainsi et à titre d'exemples, l'entrée en relation dématérialisée avec les clients, l'automatisation de certaines tâches "administratives", la communication sur les réseaux sociaux ou encore la dématérialisation des processus et des documents sont quelques-unes des nombreuses applications du digital.
Ainsi et à titre d'exemples, l'entrée en relation dématérialisée avec les clients, l'automatisation de certaines tâches "administratives", la communication sur les réseaux sociaux ou encore la dématérialisation des processus et des documents sont quelques-unes des nombreuses applications du digital.
Sur le marché du droit, la transformation digitale des acteurs passe avant tout par l'intégration de certaines technologies mises au service du droit que l'on appelle legaltech : intelligence artificielle (IA), blockchain, rédaction d'actes automatisée, plateformes numériques de mise en relation et outils de justice prédictive sont aujourd'hui au cœur de la LegalTech.
Naturellement, les systèmes d'information (SI) ou encore les CRM - bien que ne faisant pas partie des legaltech - ne sont pas pour autant exclus des outils du numérique intéressant les acteurs du marché du droit !
Naturellement, les systèmes d'information (SI) ou encore les CRM - bien que ne faisant pas partie des legaltech - ne sont pas pour autant exclus des outils du numérique intéressant les acteurs du marché du droit !
Mais ce que l'on dit moins, c'est que la transformation que doivent mener les cabinets d'avocats est aussi - à notre avis - de nature organisationnelle. Ce type de transformation amène l'entreprise à repenser entièrement ses process, ses méthodes de travail, les interactions entre ses différents services etc... en clair : sa structure même, son modèle organisationnel dans son ensemble et plus largement sa conception de l'organisation.
Qu'elle soit organisationnelle ou digitale, une (vraie) transformation créé une véritable fracture ou "disruption" avec le passé : l'objectif est de passer d'un état A à un état B et ce, dans un délai plus ou moins court selon les changements à apporter et leur mode d'implémentation (= méthode).
C'est pourquoi ces opérations, non sans risques, peuvent être "traumatisantes" pour les entreprises. Elles portent généralement des noms évocateurs comme "Horizon 2020" ou "Ambition 2021" qui mettent en évidence une réalité : une transformation s'inscrit dans la durée, elle ne peut se faire du jour au lendemain car il s'agit pour les entreprises de refondre leur business model et non d'y apporter de simples changements ponctuels.
C'est pourquoi ces opérations, non sans risques, peuvent être "traumatisantes" pour les entreprises. Elles portent généralement des noms évocateurs comme "Horizon 2020" ou "Ambition 2021" qui mettent en évidence une réalité : une transformation s'inscrit dans la durée, elle ne peut se faire du jour au lendemain car il s'agit pour les entreprises de refondre leur business model et non d'y apporter de simples changements ponctuels.
Dans ce cas, pourquoi un cabinet d'avocats aurait-il intérêt à procéder à une transformation ? Tout simplement parce que selon nous, un cabinet d'avocats "traditionnel" optant pour le statu quo est voué à disparaître ou - à tout le moins - va au devant de réelles difficultés.
A ce point-là ? Oui, et c'est ce que nous allons vous expliquer à travers une analyse stratégique du marché du droit tel qu'il est aujourd'hui, mais aussi tel qu'il sera demain.
Précision importante : L'analyse stratégique qui suit concerne essentiellement les cabinets d'avocats spécialisés dans les activités de conseil (droit des affaires, des sociétés, fiscal, social...).
Les cabinets d'avocats doivent être en phase avec leur marché |
Les cabinets d'avocats doivent (ré)aligner leur stratégie sur les exigences du marché du droit
Le constat d'un décalage - présent ou futur - entre l'environnement interne et l'environnement externe d'une entreprise est la principale motivation d'une transformation organisationnelle et/ou digitale. Or, force est de constater que les cabinets d'avocats traditionnels ne sont pas en phase avec leur marché.
Prenons l'exemple du secteur bancaire, qui regroupe également des activités de services : selon un rapport du célèbre cabinet Mc Kinsey, entre 2006 et 2012, le nombre d'utilisateurs des services bancaires en ligne a été multiplié par 3, représentant ainsi 50 à 60 % des opérations simples (ex : virements). Dans le même temps, la Banque de France constate que la fréquentation des agences bancaires a chuté de près de 30 %. Cette tendance s'inscrit dans le développement, par les grands groupes bancaires, de leurs services en ligne mais également dans celui de ces start-up du secteur bancaire que l'on appelle "fintech".
Malgré les contraintes organisationnelles qu'on leur connaît, les banques traditionnelles n'ont pas mis longtemps à réagir face à l'assaut du marché de la banque de détail lancé par les fintech ! Elles se sont en effet rapidement positionnées sur le digital en rachetant ces dernières (ex : rachat de Boursorama par la Société Générale) et/ou en créant leur propre banque en ligne (ex : création de BforBank par le groupe Crédit Agricole).
Pourquoi l'exemple des activités bancaires ? Parce qu'au-delà de la proximité qu'on peut leur trouver avec les activités juridiques de conseil, il est intéressant de noter que contrairement aux banques, la majorité des cabinets d'avocats ne s'est pas encore positionnée sur le digital. Pourtant, ces derniers sont autrement plus menacés sur leur marché que les grands groupes bancaires ne le sont sur le leur (note : le positionnement des banques sur le digital constitue autant une nécessité, à savoir celle de maintenir leur produit net bancaire (PNB), qu'une simple opportunité).
Prenons l'exemple du secteur bancaire, qui regroupe également des activités de services : selon un rapport du célèbre cabinet Mc Kinsey, entre 2006 et 2012, le nombre d'utilisateurs des services bancaires en ligne a été multiplié par 3, représentant ainsi 50 à 60 % des opérations simples (ex : virements). Dans le même temps, la Banque de France constate que la fréquentation des agences bancaires a chuté de près de 30 %. Cette tendance s'inscrit dans le développement, par les grands groupes bancaires, de leurs services en ligne mais également dans celui de ces start-up du secteur bancaire que l'on appelle "fintech".
3 chiffres-clés de la banque en ligne |
Malgré les contraintes organisationnelles qu'on leur connaît, les banques traditionnelles n'ont pas mis longtemps à réagir face à l'assaut du marché de la banque de détail lancé par les fintech ! Elles se sont en effet rapidement positionnées sur le digital en rachetant ces dernières (ex : rachat de Boursorama par la Société Générale) et/ou en créant leur propre banque en ligne (ex : création de BforBank par le groupe Crédit Agricole).
Pourquoi l'exemple des activités bancaires ? Parce qu'au-delà de la proximité qu'on peut leur trouver avec les activités juridiques de conseil, il est intéressant de noter que contrairement aux banques, la majorité des cabinets d'avocats ne s'est pas encore positionnée sur le digital. Pourtant, ces derniers sont autrement plus menacés sur leur marché que les grands groupes bancaires ne le sont sur le leur (note : le positionnement des banques sur le digital constitue autant une nécessité, à savoir celle de maintenir leur produit net bancaire (PNB), qu'une simple opportunité).
Aujourd'hui, à l'instar du marché de la banque de détail, le marché du droit subit en effet deux tendances majeures : (i) une digitalisation croissante des modes de consommation et (ii) une pression concurrentielle de plus en plus forte.
Matrice PESTEL du marché du droit |
La matrice PESTEL du marché du droit, ci-dessus représentée, permet de faire un état des lieux du marché du droit au niveau macroéconomique. Trois facteurs externes aux cabinets d'avocats impactent directement l'activité de ces derniers : (i) le développement des legaltech, (ii) l'accoutumance des clients aux produits et services accessibles à tout moment, depuis n'importe où et à partir de n'importe quel appareil (ATAWAD), ainsi que (iii) l'évolution de la loi dans le sens d'un décloisonnement des professions réglementées du droit et du chiffre.
Le développement des legaltech est symptomatique des besoins actuels et futurs : accessibilité permanente, immédiateté et recherche du "fair price"
Cela ne vous aura pas échappé : aujourd'hui le consommateur veut pouvoir accéder à un produit ou à un service à tout moment, depuis n'importe où et à partir de n'importe quel appareil (ordinateur, tablette, smartphone...). Ce phénomène, que l'on nomme "ATAWAD" (any time, anywhere, any device), trouve sa source dans le développement des technologies de l'information et de la communication (TIC) et devrait s'amplifier au fur et à mesure de leur développement.Un autre effet "kiss cool" important est celui de l'ubérisation des services, à laquelle n'échappent pas les services juridiques : le consommateur recherche le meilleur rapport qualité / prix, et parfois même le meilleur prix tout court. Là encore, ce phénomène est accentué notamment par le développement des TIC et devrait perdurer dans le temps.
"Mais on ne consomme pas des prestations juridiques comme on consomme des biens matériels", nous direz-vous. Eh bien il se trouve que si ! Cela est notamment le cas pour les prestations ne nécessitant pas dans l'absolu de conseil personnalisé, comme la rédaction de certains actes (ex : statuts, contrats de travail, baux etc) ou encore la mise en jeu de certaines procédures (ex : divorce par consentement mutuel).
Les start-up du droit comme Legalstart ou LegalVision, ou même certains cabinets d'avocats "2.0" (ex : notre partenaire OMER Avocats), l'ont bien compris. C'est pourquoi leurs process automatisés leur permettent d'assurer des prestations juridiques exclusivement en ligne : un gain de temps énorme pour le client, mais aussi une économie importante ! En effet, les actes sont facturés beaucoup moins cher que s'ils avaient été établis par un cabinet d'avocats traditionnel.
Et pour cause ! outre le manque de lisibilité des honoraires pratiqués par certains cabinets, notamment lorsque le système de facturation choisi est celui du "taux horaire" (sur ce point, voir les 3 articles de grande qualité du Juriste de demain), là où le bât blesse pour les cabinets traditionnels est le poids des charges que ces derniers répercutent sur leurs honoraires : masse salariale, charges sociales, loyers etc. Face à des concurrents qui ont réduit leurs coûts au maximum (avantage du "tout en ligne") et optimisé aussi bien leurs capacités de production que leur accessibilité, autant dire qu'en l'état, les cabinets traditionnels ne peuvent pas s'aventurer dans une guerre des prix.
On comprend donc que les avocats sont désormais concurrencés par de nouveaux acteurs, capables d'automatiser leurs prestations et de casser leurs prix sans pour autant sacrifier leur rentabilité. Selon les derniers chiffres, chaque année ce ne sont pas moins de 22 start-up du droit qui intègrent le marché du droit. Même si l'on sait que 80 % des start-up ne parviennent pas à franchir l'étape de la scale-up (= production à grande échelle à partir d'un business model viable), certaines d'entre elles ont déjà levé plusieurs millions d'euros auprès de Business Angels.
Matrice de Porter : hyper-concurrence sur le marché du droit |
Si ces nouveaux entrants bouleversent le marché du droit dans son ensemble, les professionnels les plus impactés par cette transformation digitale sont bien les avocats :
Source : Le Village de la Justice - Guide et observatoire permanent de la legaltech et des start-up du droit (23/06/2018) |
Le point fort des legaltech est l'alignement de leur stratégie sur les exigences du marché du droit : ces start-up, dont les services sont accessibles directement en ligne, peuvent réaliser des prestations juridiques en un temps record et à des prix perçus comme "justes" par les clients ("fair price").
A contrario, les cabinets d'avocats traditionnels sont en décalage avec leur environnement : en raison de l'importance de leurs charges, ils ne peuvent que difficilement faire preuve de flexibilité au niveau de leurs honoraires, dont le montant est parfois peu lisible pour le client (notamment lorsqu'ils sont facturés au temps passé). En outre, en raison de process contraignants mais aussi d'importants volumes de dossiers à traiter, les cabinets d'avocats traditionnels ont bien souvent du mal à réduire les délais de réalisation de leurs prestations : c'est là un point essentiel sur lequel ces derniers doivent se pencher.
SWOT d'un cabinet d'avocats traditionnel |
A ces inconvénients vient enfin s'ajouter celui de la limitation géographique : contrairement aux start-up du droit qui misent sur l'entrée en relation dématérialisée, un cabinet d'avocats traditionnel est nécessairement limité par son implantation géographique. Il ne peut en effet atteindre les prospects situés en dehors des zones dans lesquelles il est présent, et ce pour des raisons de praticité pour les clients (inconvénient propre à une relation "physique" traditionnelle entre un cabinet et ses clients).
Hyper-concurrence sur le marché du droit : quand l'offre dépasse la demande
Certains professionnels du droit voient d'un mauvais œil l'entrée des legaltech sur leur marché, considérant que ces start-up exercent une concurrence déloyale. Pour autant, la concurrence sur le marché du droit était déjà exacerbée avant leur arrivée.
A cet égard, nous vous renvoyons vers la matrice de Porter représentée plus haut : outre la concurrence exercée par les experts-comptables et les notaires sur les prestations de conseil (droit des sociétés, fiscal, du travail etc...), la profession d'avocat est victime... de sa propre concurrence, autrement dit d'une concurrence intraprofessionnelle. Ce ne sont, en effet, pas moins de 3 000 élèves-avocats qui viennent chaque année grossir les rangs des 66 000 avocats déjà en exercice (soit, statistiquement, 1 avocat pour 1 000 habitants).
En d'autres termes, le marché du droit arrive à saturation : la demande croît moins vite que l'offre, ce qui se répercute d'ailleurs sur le niveau des salaires (ou des rétrocessions d'honoraires, selon le statut). Et même si la dernière réforme de l'examen d'entrée au CRFPA a eu (pour objet et) pour effet de réduire le nombre d'admis dans les centres de formation, cette tendance ne s'inversera pas notamment du fait (i) de la pénétration du marché par les start-up du droit (ii) mais aussi de la levée du numerus clausus chez les notaires (qui devront bien se diversifier pour se démarquer de leurs confrères).
A cet égard, nous vous renvoyons vers la matrice de Porter représentée plus haut : outre la concurrence exercée par les experts-comptables et les notaires sur les prestations de conseil (droit des sociétés, fiscal, du travail etc...), la profession d'avocat est victime... de sa propre concurrence, autrement dit d'une concurrence intraprofessionnelle. Ce ne sont, en effet, pas moins de 3 000 élèves-avocats qui viennent chaque année grossir les rangs des 66 000 avocats déjà en exercice (soit, statistiquement, 1 avocat pour 1 000 habitants).
En d'autres termes, le marché du droit arrive à saturation : la demande croît moins vite que l'offre, ce qui se répercute d'ailleurs sur le niveau des salaires (ou des rétrocessions d'honoraires, selon le statut). Et même si la dernière réforme de l'examen d'entrée au CRFPA a eu (pour objet et) pour effet de réduire le nombre d'admis dans les centres de formation, cette tendance ne s'inversera pas notamment du fait (i) de la pénétration du marché par les start-up du droit (ii) mais aussi de la levée du numerus clausus chez les notaires (qui devront bien se diversifier pour se démarquer de leurs confrères).
Comment les cabinets d'avocats doivent-ils se transformer ?
La question se pose inévitablement : nous savons maintenant que les cabinets d'avocats traditionnels doivent se transformer, mais quelles mesures doivent-ils mettre en place et comment doivent-ils procéder ? La réponse à cette question sera l'objet de notre prochain article.
Adrien VAGINAY | Droit et Stratégie des Entreprises
Adrien VAGINAY | Droit et Stratégie des Entreprises
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